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Introduction

On pourra se demander ce qui motive la création d’un laboratoire de recherche. À cette question, deux réponses potentielles viennent à l’esprit. D’une part, une telle institution a voca-tion de fédérer les chercheurs et les ensei-gnants-chercheurs autour de perspectives à la source d’un intérêt scientifique. D’autre part, le laboratoire entretient une autre vocation de promotion des résultats de recherche à travers des activités scientifiques de diverses natures : publications d’articles, éditions de livres, collo-ques, etc. Il est indéniable de constater que le Laboratoire d’Études et de Recherches en Litté-rature Française et Francophone (LABERLIF) a fait sien ces deux fonctions régaliennes avec des particularités indiscutables. Fondé en 2013 par le Professeur Manhan Pascal Mindié, le LABERLIF est actif au Département de Lettres Modernes de l’Université Alassane Ouattara. Le Laboratoire s’est constitué autour d’un idéal, celui de promouvoir la Littérature française et francophone dans ses attributs théoriques et ses atouts pratiques. C’est justement pour cette raison que le LABERLIF a permis à la ville de Bouaké d’enregistrer un colloque international tout à fait innovant les 15 et 16 mars 2023. Le thème, « Littérature et Développement économi-que et social », apporte une preuve de l’ambition de faire de la Littérature une science appliquée aux réalités sociales sans omettre les ramifi-cations économiques. Ont pris part à cette rencontre des sociologues, des philosophes, des littéraires, des économistes au sens scienti-fique du terme et bien d’autres. Le dénominateur commun de toutes les interventions est la publication des Actes du colloque en deux tomes. Cela témoigne de la quantité et de la qualité des données scientifiques recueillies, manifestant une matérialité effective aux mots et intentions de chaque intervenant. La qualité des textes est assurée par le processus de sélection des articles. La lecture en double aveugle a favorisé le parti pris de l’excellence.
Le Tome 2 dont il est question dans cette version en donne une tonalité réaliste. Intitulé « Littérature et Développement », le deuxième tome des actes du colloque est scindé en deux axes de réflexion. La première partie porte sur la littérature et le développement économique, social et culturel. À ce niveau, Docteur Didjour Kambiré de l’Université Peleforo Gon Coulibaly propose la commu-nication suivante « Écriture du développement local en Afrique dans Afrika ba’a de Rémy Gilbert Medou Mvomo ». Il s’est engagé à démontrer que l’écrivain qu’il sollicite pour son analyse utilise la fiction romanesque pour évoquer la thématique du développement durable en Afrique et ce qu’elle génère comme défis à relever : lutte contre la misère, change-ment de mentalité, engagement citoyen. On comprend aisément que dans ce champ de recherche, le roman est une œuvre d’extension sociale. Le texte de Docteure Séraphine Guéi épouse Yaha ne manque pas d’avoir un regard ouvert sur ce genre littéraire en étudiant « Les ressources des sciences et techniques dans la littérature : une porte ouverte sur le dévelop-pement économique et social ». En partant d’une perspective générale, elle finit par signifier, de manière spécifique, que l’écrivaine Anne Garréta aborde les sciences techniques de sorte à évoquer avec créativités les avantages et les inconvénients du développement technoscien-tifique enregistré dans les sociétés postindus-trielles.
Sous un autre angle, Docteure Adjé Tanoh Linda Danielle Épse Bah de l’Université Alassane Ouattara opte pour un travail intitulé « De l’écriture de soi au développement personnel et social dans L’Autre fille d’Annie Ernaux ». Elle y montre avec acuité le passage de l’autobiographie à l’écriture de soi au profit du développement de la personnalité de la narratrice. Si la question du développement a une constante romanesque, elle est aussi un objet gram-matical. Ce second aspect est l’itinéraire de recherche de Docteure Amenan Eliane Essy de l’Institut Pédagogique National de l’Enseigne-ment Technique et Professionnel (IPNETP) et de Docteur Adama Dembélé du Centre de recherche et de Production de l’IPNETP. Les deux chercheurs ont conjointement travaillé sur la « Prosodie et quelques conjonctions de coordination : pour un développement économi-que et social ». Ils ont su montrer que l’usage des conjonctions de coordination par des usagers apporte un sens pragmatique au thème du développement lorsqu’il est inscrit comme sujet de conversation. La manière dont un énonciateur agence ses idées apporte un poids à son argumentation en faveur de telle ou telle thèse sur le développement économique et social.
Dans la liste des contributeurs du premier axe, Mamadou Karidioula, Doctorant au Département de Philosophie de l’Université Alassane Ouat-tara, promeut une critique philosophique de la question du chômage. Le titre : « De la problé-matique du chômage en Afrique dans la littérature contemporaine : diagnostic philoso-phique de la crise de l’école ivoirienne au miroir de Les Larmes de l’éducation de Samba Diakité », est le motif pour questionner la crise de l’école comme cause pionnière de la prolifération du chômage chez les jeunes. Il propose des solutions homéopathiques que chaque lecteur pourra apprécier à leur juste valeur. Mahamadi Diallo et Fatoumata Traoré, deux doctorants en Littérature française au Département de Lettres Modernes de l’Univer-sité Alassane Ouattara, s’octroient le droit de penser le chômage à partir d’une démarche litté-raire. Ils analysent « Les problématiques du développement industriel et du chômage dans Daewoo de François Bon : quel impact dans le régime romanesque postmoderne ? » Le roman de François Bon rend vivant le monde industriel dans l’univers romanesque. Il met à profit l’intertextualité pour autoriser les débats sur la classe ouvrière aliénée par le travail dans les industries et les restrictions que ce mode de vie engendre chez les plus défavorisés.
Toujours dans un acte collectif de recherche, Docteurs Brahima Koné et Badrissa Ouattara, tous les deux, de l’Université Peleforo Gon Coulibaly étudient le conte africain comme une pédagogie traditionnelle au service du développement de la personnalité de l’enfant. La réflexion qu’ils engagent approuve l’idée que le conte africain ne se limite pas au divertissement d’un soir, mais il est davantage un outil d’éducation et de valorisation des mœurs condi-tionnelles au développement de la personnalité de l’enfant.

Nanridjanyoho dit Seydou Soro, quant à lui, respecte les frontières de la spécialité du roman français. Il formule sa recherche comme suit : « Les relations interculturelles et la question du développement social dans L’Attrac-tion universelle de David Diop ». Il révèle que le dialogue des cultures est une donnée matérielle de l’écriture romanesque de cet écrivain français dont les identifiants onomastiques sont des signes d’interculturalité. Orientant la recherche littéraire dans un pan plus anthropologique, Krou Bellemin Colas Affi de l’Université Félix-Houphouët Boigny et Bidy Cyprien Bodo, Maître de Conférences dans la même université, travaillent sur l’« Archivisation romanesque des objets culturels ivoi-riens, symbole d’un développement sociolittéraire ». La lecture de leur texte fait découvrir le roman ivoirien sous un jour nouveau, celui qui éclaire les objets culturels inscrits dans les récits fictionnels par devoir de mémoire et par désir d’invention littéraire par le manie-ment créatif des culturèmes.
La seconde partie évoque la Littérature de résistance et le dynamisme migra-toire. Cet axe du tome 2 accorde un intérêt à planifier la lecture scientifique du roman en détectant les phénomènes d’actualisation sur les thèmes privilégiés de l’extrême contemporain de la littéra-ture francophone, anglophone et fran-çaise. Les études rivalisent d’intérêt sous la plume de chercheurs d’horizons divers. Docteur Diakaridia Koné, Maître de Conférences à l’Université Alassane Ouattara étudie les « Douceurs du bercail d’Aminata Sow Fall et Le Ventre de l’Atlantique de Fatou Diome : signale-ments d’un développement économique et social endogène pour panser l’immi-gration irrégulière ». Le constat de lecture est que les écrivaines s’attaquent à critiquer l’immigration. Le chercheur propose de lire leurs œuvres en révélant les postures endogènes du dévelop-pement de l’Afrique. Dans le même élan, Docteure Kouacou Bla Yolande Koffi de l’Institut Pédagogique National de l’En-seignement Technique et Professionnel, entame une recherche dont le titre général est « Immigration clandestine et émiettement des ressources humaines dans Le paradis du Nord de Jean Roger Essomba ». Son article se veut le lieu d’exposition des effets pervers de l’immigration clandes-tine ; laquelle conduit à des tragédies humanitaires pour les nombreuses vies perdues dans la méditerranée. L’imagi-naire du Paradis du Nord donne la force aux clandestins d’apprécier le chômage endémique comme le signe de l’enfer du Sud. Une lucarne de recherche plus optimiste vient du Professeur Alioune Dieng de l’Uni-versité Cheikh Anta Diop de Dakar au Sénégal. La contribution dont il approuve l’édition et la vulgarisation est l’« Écriture, instinct de survie et dynamique migra-toire dans Le Ventre de l’atlantique de Fatou Diome ». Il ne manque pas de faire une analyse originale de l’œuvre de Fatou Diome devenue un classique sur la question du voyage de l’Africain vers l’ailleurs. L’originalité est liée à la lecture déconcertante du mythe de l’eldorado, de la fluidité des identités mouvantes et des paradigmes mentaux qui ralentissent le développement de l’Afrique.
D’autres articles se chargent d’apporter des détails aux circonstances variées du développement en Afrique. À ce propos, Docteur N’Dri Denis N’goran, Assistant au Département d’anglais de l’Université Peleforo Gon Couli-baly a pour centre d’intérêt « La corruption comme vice social dans The beautyful are not yet born de Ayi Kwei Armah ». Il ne manque pas d’extirper du corpus les maux qui détériorent la crédibilité des gouverne-ments africains dans leur ambition du développement endogène de leurs pays respectifs. Une autre tentative est à mettre à l’actif de Docteur Koffi Noël Brindou de l’Université de San Pedro. Celui-ci s’interroge sur « Le traumatisme de la diaspora africaine dans Americanah de Chimamanda Ngozi Adichie et Between Two Worlds de Amma Darko ». Il ressort de son étude que les migrants vivent des situations traumatisantes lorsque le racisme, la catégorisation, l’exclusion déterminent les attitudes des autochtones blancs envers les étrangers noirs.
Docteur Kouadio Lambert N’guessan, spécialiste de Littérature et Civilisation Africaines des Pays Anglophones à l’Université Alassane Ouattara, formule le titre de sa communication ainsi : « Rom-pre le silence coupable : une allégorie de l’autonomisation dans A Grain Of Wheat de Ngũgĩ Wa Thiong’o ». Ce contributeur montre le chemin à suivre pour libérer l’Africain du mal de la colonisation. Revenant dans la littérature francophone, Docteur Jean-Jacques Kassi communi-que sur la problématique de la sorcellerie dans Mémoires de porc-épic d’Alain Mabanckou et Silence, On Développe de Jean-Marie Adiaffi. Il trouve séant un tel intitulé pour démontrer l’identité culturel-le et religieuse africaine. Au compte de la littérature française dans cette section, Docteur Armand Koffi Yao du Départe-ment de Lettres Modernes de l’Université Peleforo Gon Coulibaly questionne la justice sociale à travers son article « Enquête et justice sociale dans L’Affaire Saint-Fiacre de Georges Simenon ». Sans se limiter à la complexité du roman policier, il s’évertue à donner un sens explicite au besoin de justice qui anime le détective dans sa mission. Quant à Docteur Djeth Luc-Arsène Yao de L’uni-versité Peleforo Gon Coulibaly, il développe un champ féministe d’investi-gation. Traitant les « Actions féminines et progrès social dans Photo de groupe au bord du fleuve d’Emmanuel Dongala », il examine les signes de la lutte émancipatrice et la direction vers le progrès social que l’écrivain congolais propose en filigrane de l’histoire saisis-sante des « casseuses de cailloux » dont les droits sont bafoués au quotidien.
Les présentes contributions font du Développement un thème central de l’écriture romanesque. En des versions spécifiques, chaque contributeur inspire en des mots différents un partage d’expériences et un plaisir convergent du rapport de la Littérature au développement économique, social, culturel et migratoire.

                                                                  Dr. Axel Richard EBA

Première partie : Littérature et développement économique, social et culturel
Deuxième partie : Littérature de résistance et dynamique migratoire